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LE TORRIVELLEC Marion

Paléo Projo

sceptre 1

Le fait que les propulseurs dits du faon aux oiseaux aient été retrouvés en 6 exemplaires m’a renvoyée des questions propres au champ de l’art, telles que celle du multiple, de la singularité d’une œuvre artistique et donc de sa possible reproduction, de son réemploi et de sa copie.
Partant de ce point de départ, je me suis tournée vers une pratique de la sculpture sur bois, vers des gestes archaïques de recherche de formes, au bout d’un bâton, avec la dimension de puissance que véhiculent ces sortes de sceptres en bois que j’ai intitulés Objets de pouvoir, car comme le suggérait la guide lors de ma visite de la grotte, ces propulseurs richement ornés étaient probablement réservés à une élite, à des chefs de clans.

sceptre ensemble

Les lectures empruntées aux champs de l’histoire et de l’anthropologie, m’ont apprise que les schémas de pensées des habitants du paléolithique supérieur pouvaient a priori se rapporter à l’animisme des tribus inuit. Dans la thèse de Clément Birouste, Le magdalénien après la nature, j’ai lu que
« la mort dans l’animisme est tout d’abord l’occasion d’un retour à la chair dans un continuum des substances et des énergies. […] il est nécessaire d’obtenir du gibier pour produire des humains car les humains se nourrissent du gibier. […] c’est dans cette perspective que les restes de défunts sont abandonnés aux prédateurs. »

territoire 2

Je me suis donc emparée de l’objet os pour exprimer cette circulation, cet enchaînement d’un règne à l’autre. Les formes sculptées sur les sceptres sont à la croisée d’os, de poissons, de sexes, et toujours semblant être emboîtées, découler l’une de l’autre, s’engendrer l’une l’autre. Enfin, les maillons illustrent ce lien et permettent également l’articulation qui fait basculer ces objets dans un registre inattendu : celui de l’objet de pouvoir, de capture, tel que le propulseur, la canne à pêche, le nunchaku, mais aussi de voir une sorte de débandade dans la chute de ces formes phalliques en bout de bâton. La variation des motifs sur ces six exemplaires ouvre une porte vers les interprétations les plus vastes, interprétations qui sont au cœur de notre rapport aux thèses avancées dans notre étude de la préhistoire.

Ces sceptres accrochés au mur, éclairés par des écrans de lumière projetés jouent l’écran de cinéma, la projection d’images fictionnelles à s’approprier. L’importante place laissée à la lumière dans la scénographie de l’exposition s’inspire de la mise en vitrine des objets sculptés au musée de la préhistoire dans le centre du village, où les objets étant pour la plupart de petites tailles, ils dialoguent à même échelle avec les dispositifs de monstration que sont les leds et les boîtes qui les donnent à voir. Nous retrouvons également le rose et bleu présents dans l’éclairage de la grotte.

os 2

Les os apparaissent de nouveau dans Happy End, comme objets graphiques, signifiants d’un décompte du temps qui passe, mais aussi, pour l’évocation d’une vie passée qu’ils cristallisent, comme signes universels qui traversent les époques et se jouent des frontières animales humaines et non-humaines.

Cube RVB

Night Cube continue dans la projection fictionnelle en proposant un cube rempli de fumée, sorte de creuset ex nihilo, nous renvoyant à une dimension mystérieuse (originelle ?) ouverte aux interprétations. Les plexiglas colorés rouge, vert, bleu citent ici le code informatique propre aux images des écrans, aux images virtuelles, intangibles. La surface supérieure du cube sert de socle à un paysage miniature en rotation sous une découpe lumière. Le monde du spectacle s’invite alors, renforçant la part fictionnelle et projective des pièces proposées dans l’exposition Paléo projo. Août 2022 Marion Le Torrivellec